dimanche, septembre 16, 2007

rentrée de nous

PAS D'IMAGE MAIS UNE CITATION DE FRANK O HARA QUI VAUT TOUS LES PIXELS:

"It is easy to be beautiful, it is difficult to appear so."

# 13

Chaque fois que nous pose une question, on lui répond : « non, c’est pas grave ».
Mais quand nous dit : « non, c’est pas grave », on ne le croit pas.
Alors nous fume.

# 14

A l’étage de nous, il y a la dame en rose et ses sabots blancs, poinçonnés de toutes parts. Nous respire calmement quand elle vient dans sa chambre. Il relâche ses traits, pose ses mains sur ses cuisses, laisse ses pieds somnoler.
La dame en rose est ronde. Son corps est rond, ses joues sont rondes, ses yeux sont ronds, sa voix est ronde. La dame en rose est douce. Sa présence est comme une invitation. Même lorsqu’elle ne dit rien et remue lentement la tête, nous sait qu’elle lui chuchote : « Mes bras sont un asile ». Le soir, nous s’endort en imaginant que l’oreiller est aussi moelleux que l’épaule de la dame en rose.
De tout le blockhaus, elle est la seule à ne pas craindre le silence. Elle remplit l’espace comme personne : des fossettes qui se creusent, des pommettes qui rondissent, une main doucement posée sur un avant-bras qui frissonne… Même quand elle parle, elle écoute. Ses questions sont toujours ouvertes, toujours faciles. Jamais elles ne font mal.
A nous elle rappelle une absence.

lundi, août 13, 2007

montée de nous



#11

La nuit venue, nous avale son cachet jaune et se glisse dans son lit dur, dans ses draps froids et rigides, comme des alèses. Nous tourne, se retourne, se contourne dans les étoles de plastique qui luisent dans l’obscurité. Allongé sur cette lune, le corps de nous est inerte.
Les rêves de nous sont roses et bleus.
Rien ne les traverse.
Rien ne les transperce.
Pas une odeur, pas une saveur, pas un toucher.
Rien qui respire le vrai.
Les rêves de nous ne le bernent pas, ne le bercent pas. Personne ne berce nous, sauf ces bras roses et bleus et cette lueur jaune qui l’empêchent de dormir.
Les matins de nous sont pareils à ses nuits.

#12

Certaines heures où il fait très froid, nous va dans la salle de bain vide pour y faire de longs discours, y prononcer de longues diatribes. Nous est un orateur antique, mais son seul public réceptif, c’est nous.
Le discours de nous est d’une autre cohérence…
Un filet de paroles coule de la bouche de nous et glisse sur le carrelage, sur les parois pistache, sur les colonnes d’émail. Les sons liquides emportent le peigne gras, le dentifrice mal rebouché, la poubelle qui déborde, le gel douche qui bave sa transparence, les étoiles blanches sur la glace, les voies lactées sur la glace, l’homme de l’espace dans la glace…
L’eau des paroles, grossie d’ustensiles hygiéniques, devient fleuve en cru, marée haute. Le courant est trop fort pour la gorge de nous étirée à l’extrême. Les mots irritent les amygdales, les mots font physiquement mal.
Inondation dans une salle de bain abreuvée. Zone de tourment où flottent bouteilles à la mer, radeaux hérissés de poils verts, trousses de secours maquillées, poissons-lames aiguisés…
Même dans les autres pièces, nous n’est jamais au sec.

dimanche, juillet 29, 2007

# 9 # 10


#9

Nous sent parfois un drôle de pression sur le bras. C’est mou et chaud. C’est rose et doux. Ca coule dans la peau comme une bouillotte percée qui suinte sur l’épiderme. Ca part de soi-même, et ça revient quand nous respire par à-coups. Ca revient humide et glissant, à rebrousse-poil.
Ca revient quand nous est dans la pièce que lui seul connaît. Assis sur une chaise sans barreau, nous courbe l’échine dans l’obscurité. Il lutte contre un frisson, une paralysie ; mais le plafond bas écrase sa mutinerie. La pièce est profondeur.
Puis une tiède pression sur le bras… Un gant de toilette mouillé autour d’une pulsation sanguine, humaine. Et la chaleur repousse les murs, terrasse l’ombre, la tétanie. Et nous s’éveille comme dans une chambre après un cauchemar de sommeil, caressé par les doigts du jour.

#10

Nous a un endroit préféré. Il s’y rend durant la promenade de 16h30. Derrière le blockhaus grisâtre, il y une haie. Beaucoup voient dans cet amas de vert tressé une muraille, la mort d’un chemin. Mais nous connaît la faille, la maille lâche dans la muraille. La haie l’engloutit. Des brindilles griffent son visage, écorchent la laine de son gilet marron. Tant qu’il ferme les yeux, nous ne craint rien.
Lorsqu’il les rouvre, nous est nez à nez avec une joue vert-de-grisée, une mâchoire dorée, un visage écaillé. Une tête d’ange, fondue dans l’acier d’une grille que personne ne repeint. Le miroir de nous.

lundi, juillet 23, 2007

pieds et poings

De nouveaux liens ont été ajoutés. Vous savez quoi faire! :~)

dimanche, juillet 22, 2007

ladida ladidi



# 7

Nous n’est ni nanti, ni noceur.
Nous n’est ni pauvre, ni pieux.
Nous est d’un autre ordre…
Folie nantie.
Pauvre raison.


# 8

Nous est toujours à part. Imaginez vous, et vous savez qui n’est pas Nous. Dans un coin, esseulé. Accroupi, dans l’angle. Nous a les yeux fermés. Les heures tournent autour de Nous, soufflent dans son oreille, font des bruissements d’aile. Elles disent que le facteur n’est pas passé. Souffle. Que le facteur ne passera pas. Souffle. Jamais.

lundi, juillet 16, 2007

# 5 ; # 6



# 6


Nous a mis son bel habit blanc. Depuis qu’il s’est marié à son mal-être, nous ne quitte plus ses oripeaux de noce. Debout, il tourne sur lui-même et regarde voler les lanières blanches qui coulent du nœud qu’il a dans le dos. Nous valse pour se libérer mais il resserre l’étau. Alors il s’allonge sur le sol vert de vase et regarde les limaces grignoter la vierge chemise.

# 5

Nous ne pleure pas. Les larmes de nous sont trop profondes, un abysse liquide dont le limon putride et corrosif remonte à la surface de manière cyclique. Nous s’y noierait. Pour l’empêcher de raviver ses eaux, on fait gober à nous des soleils roses et bleus qui assèchent ses chairs et drainent ses pensées. Nous en reste bouche bée.

jeudi, juillet 12, 2007

what is next is what is now

Chose promise... Voici les textes n°3 et 4. Si vous passez par-là, dites moi ce que vous en pensez et, je le répète, n'hésitez pas à me faire parvenir vos textes si le coeur vous en dit!





#3


A la cantine de nous, il n’y a ni couverts en fer, ni verres en verre… Du plastique, c’est tout ce à quoi nous a droit. Nous, qui n’a pas tous les jours envie de se trancher le doigt, est condamné à s’acharner sur son steak en plastique, sur sa semelle en viande. Nous n’aime pas les nerfs bleutés dans la bavette.


# 4


Dans le monde de nous, il y a un jardin véritable.
Dans le jardin véritable, il y a nous,
Partout, mais pas tout le temps.
La sonnerie annonce la promenade, et les bancs de pierre, profondément ancrés dans la terre synthétique, s’apprêtent à recevoir les fesses de nous. Car les fesses de nous sont spéciales : elles font mal, elle oscillent, elles remuent, et plantent leur os supplémentaire dans la pierre hospitalière à intervalles réguliers. Il faut dire que nous a besoin de ce balancement latéral pour ne pas se laisser gober par une bouche de fleur écarlate, par un trou gris entre deux nuages bleus, ou par un sac en plastique rose qui embaume tout le jardin.

vendredi, juillet 06, 2007

to be continued...

Après une longue pause, les aventures de "Nous" reviennent mercredi prochain...

vendredi, juin 15, 2007

notre asile

Après une petite absence, un nouveau post. J'ai décidé de partager les textes de mon premier recueil intitulé Notre Asile dont certains ont été publiés par "l'Anacoluthe" et "Décharge" que je remercie au passage.



#1

Nous fait sécher des chrysanthèmes dans des pots en fer pour observer le durcissement des pétales et des feuilles. Quand les nervures sont prêtes à craquer, nous broie les fleurs sans respirer et laisse son corps se remplir du bruit sec, cassant, craquant, dans lequel il se retrouve.

#2

Nous a horreur du silence capitonné dans lequel on le confine. Pour oublier qu’il n’y a rien à entendre, nous regarde plus fort le mur blanc, moelleux, cette toile sur laquelle il projette l’image d’un nous qui se frappe la tête, très vite, très fort, comme ça, pour faire du bruit.

vendredi, juin 01, 2007

Draîné

Vieux texte retouché, jamais soumis. Des réactions? Des avis? Je vous rappelle au passage que vos textes sont les bienvenus, alors ne soyez pas timides!

Drainé

De chaque côté du sentier, rien qui remue, rien qui bruisse. La route à suivre se présente comme une évidence. L’homme est calme. Aucune couleur mouvante, aucun son virevoltant pour venir parasiter sa progression. Un pied devant, l’autre.

Le gel tout proche lèche deux joues engourdies par une éternité de pas. Le jardin s’est vidé de son sang. L’homme avance, fait fi des arbres, fait fi des ombres. Il fixe, un point, une pierre, un emplacement, au-delà. Rien qui bat. Silence et immobilité dans ses lèvres qui ont trop aimé et tremblent, juste, à présent.

Au bout, la lassitude est devenue le parfum des fleurs sans têtes et le mouvement des branches qui se lèvent puis s’abaissent, menaçantes. L’air vibre de plus en plus fort. Assourdissant maintenant, crochu, il retient l’homme nu, vrombit dans son myocarde désireux d’implosion. Une grille. Une maison de briques. Dans la neige une cerise confite.

Qui respire si fort ?

mercredi, mai 23, 2007

presse quotidienne, merci PP

Parle à mon...

Il traînait un vieux Figaro
Sur la banquette du métro.
Je m'affalai sans le lorgner
(J'avais déjà lu mon Libé).

Un monsieur monté à Abbesses,
Qui vit le journal sous mes fesses,
Me demanda (vous allez rire) :
— « Êtes-vous en train de le lire ? »

Je me levai, tournai la page, puis,
Je me rassis, et lui répondis : — « Oui. »


Pour reprendre des poèmes de PP, consultez l'esprit d'équipe!

Soumission poétique

Ce titre douteux dissimule une idée qui l'est moins: je souhaiterais mettre en ligne d'autres poèmes que les miens donc à vos plumes! Je me réserve évidemment le droit de refuser certains textes mais surtout d'en accepter d'autres. Merci d'avance à ceux qui répondront à cet appel (et si personne ne répond, je posterai du silence, c'est bien le silence aussi!).

lundi, mai 21, 2007

Remerciement

Pour vos bons mots, six vers déversés à 23h30

Remerciement

Crépusculaire en bout de quai
C’est moi que tu parais attendre.

Tu ne m’apportes aucune fleur rouge
Mais deux yeux lointains et obscurs

Et des mains vides, ouvertes,
Le bel accueil.

dimanche, mai 20, 2007

Un petit dernier pour la route en ce jour de ré-inauguration (tout un concept)

affirmation

Mes mots sont des marteaux sans feutre
Que je presse à contre-temps,
Que j’appuie contre tes tempes,
Des notes de bois massif et lourd
Que je prononce distinctement
Et qui transpercent tes tympans.
Quand je susurre, tu frissonnes,
Mais le plaisir est absent.

Mes mots sont des doigts enfoncés
Dans tes oreilles délicates,
Des mensonges que j’écorche vifs
Pour capter toute ton attention.
Je fais parfois des variations,
Je fais parfois des variations,
Je fais parfois des variations,
Et des répétitions aussi,
Je tourne autour du pot pourri,
« Ring around the Rosie ».

Mes mots sont des filaments,
Des dissonances qui se faufilent
Entre tes grincements de dents,
Une petite musique acide
Qui ronge ta mine déconfite,
Mousse et crépite, salive otite,
Et t’enveloppe, corrosive,
Dans ses crissements déglutis.

toujours Frida

Dans la foulée, un deuxième de la même série inspiré par un auto-portrait (je crois que c'est assez clair...) pour que vous ne vous déplaciez pas virtuellement pour rien!

Autoportrait déformant en offrande

Pour toi j’ai étendu la main, délicate, sur mon sein gauche,
Pour toi et les ténèbres auxquelles je m’adosse,
Auxquelles je m’abandonne, hautaine et écarlate.

Pour toi mes bras menus, pas plus gros qu’un poignet,
Pour toi ma bouche, ma robe charnue, échancrée,
Et cette lame de peau qui transparaît, létale, sur ma poitrine.

Pour toi ce regard noir, plus qu’à l’accoutumée,
Pour toi cette perfection d’ébène sur mes pupilles,
Le mystère figé sous les cils, profond, offert.

Pour toi le calme des traits, la nuit portée,
Pour toi les cernes ébauchés, les ombres du vrai,
La paix unifiée sur le carmin diaphane.

Pour toi ce petit nez et cette petite oreille,
Pour toi du mignon, des dentelles mais aussi,
Pour toi, des lèvres que gonflent une pulpe brûlante,

Et des doigts
Fins,
Des doigts qui déferont demain
Ce portrait de moi accueillante.

What is a "faux-départ"?

Deux ans plus tard donc deuxième post...
Riche de trois commentaires (dont un pour me proposer de la pornographie à moindres frais et l'autre pour m'offrir le diplôme de mon choix), je sévis à nouveau avec la ferme intention de mettre en ligne des poèmes (que je hais et que j'aime bien, en tout cas que j'écris).
J'aurais sûrement dû effacer mon premier post mais comme sa vraie nature finit toujours par transparaître, je le laisse comme une sorte de lettre écarlate (plutôt une broderie écarlate avec marqué neuneu).
Surtout, si jamais vous passez par-là, n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire sur les textes! Et puis visiter mes liens, c'est bien!
J'oubliais, si jamais vous vouliez me faire l'immense joie et l'honneur sans borne de reproduire tout ou partie d'un ou de plusieurs textes, dites-le moi juste... question d'ego et puis surtout d'honnêteté.

On commence avec le premier:

La grâce que tu n’espérais pas


Un ange... Quoi de plus éphémère ?

Celui-là est gros.

Celui-là est vert, et il a tout détruit…

Des traînées d’acide dégoulinent de ses ailes atrophiées et sa chair rougit à vue d’œil. Ce n’est pas la honte qui l’étouffe, c’est le goût de soi, la saveur de sa peau douce sur sa langue béate.

Celui-là est un beau salaud. Il est botté. De ses lourds souliers tombent une terre humide qui durcit dans l’air et s’effrite avant d’atteindre la plénitude d’un champ d’hiver. Cette terre est ton espoir et tes larmes séchées.

Un ange passe, lourdaud, ballaste.
Un poids mort se déplace.

Celui-là est un ange mais c’est toi le murmure, l’immaculée transparence. Dans ses yeux les cieux font y croire. Tu le vois, tu t’y vois, il te voit mais ses regards sont au-delà, à travers. Ton cœur sur sa main, il s’en vient, tournoie, et broie.

L’acide, le sang. Tout est détaché, minutes, moments, tout est lent et l’ange étend son ciel de traîne sur tes demains. Ses ailes couleur d’espoir fondent en fines gouttes qui s’en vont ronger tes environs. Cette brûlure est ta déception.


Ce texte fait partie d'une série de poèmes inspirés par Frida Kahlo et publiés dans l'excellente revue Lieux d'Etre (n°38) dont je ne saurais trop vous conseiller la lecture.