lundi, août 13, 2007

montée de nous



#11

La nuit venue, nous avale son cachet jaune et se glisse dans son lit dur, dans ses draps froids et rigides, comme des alèses. Nous tourne, se retourne, se contourne dans les étoles de plastique qui luisent dans l’obscurité. Allongé sur cette lune, le corps de nous est inerte.
Les rêves de nous sont roses et bleus.
Rien ne les traverse.
Rien ne les transperce.
Pas une odeur, pas une saveur, pas un toucher.
Rien qui respire le vrai.
Les rêves de nous ne le bernent pas, ne le bercent pas. Personne ne berce nous, sauf ces bras roses et bleus et cette lueur jaune qui l’empêchent de dormir.
Les matins de nous sont pareils à ses nuits.

#12

Certaines heures où il fait très froid, nous va dans la salle de bain vide pour y faire de longs discours, y prononcer de longues diatribes. Nous est un orateur antique, mais son seul public réceptif, c’est nous.
Le discours de nous est d’une autre cohérence…
Un filet de paroles coule de la bouche de nous et glisse sur le carrelage, sur les parois pistache, sur les colonnes d’émail. Les sons liquides emportent le peigne gras, le dentifrice mal rebouché, la poubelle qui déborde, le gel douche qui bave sa transparence, les étoiles blanches sur la glace, les voies lactées sur la glace, l’homme de l’espace dans la glace…
L’eau des paroles, grossie d’ustensiles hygiéniques, devient fleuve en cru, marée haute. Le courant est trop fort pour la gorge de nous étirée à l’extrême. Les mots irritent les amygdales, les mots font physiquement mal.
Inondation dans une salle de bain abreuvée. Zone de tourment où flottent bouteilles à la mer, radeaux hérissés de poils verts, trousses de secours maquillées, poissons-lames aiguisés…
Même dans les autres pièces, nous n’est jamais au sec.